
Gaëlle Ballet
Témoignage
S’éveiller a la nature
Rencontre avec Gaëlle Ballet, éducatrice à l'environnement dans l'association Curieux de Nature.
Qu'est-ce que 1001 Nuits Alpines pour toi ?
C’est un séjour pour emmener des jeunes en montagne, qui donne l’occasion de découvrir la faune et flore de montagne et surtout d’y passer une nuit.
Qu’a apporté l’opération à tes projets 1001 Nuits Alpines ?
L’opération 1001 Nuits Alpines nous permet d'inscrire nos projets dans un cadre plus large et d’avoir de la visibilité. Nos séjours existaient déjà, mais ça nous a permis de faire de partenariats, notamment avec le Parc National du Mercantour. Les petits livrets sont chouettes, je les utilise chaque année car ça apporte un plus : les jeunes sont sur un séjour en montagne, mais ils ne sont pas les seuls. Ça s’inscrit dans une dynamique plus globale avec d’autres projets dans les Alpes, notamment grâce au défi partagé.
Quel impact ont tes projets sur les jeunes ?
Souvent, c’est leur première expérience en montagne. On travaille beaucoup sur la mixité sociale avec à la fois des jeunes qui sont de la vallée, qui connaissent et ont l’habitude de faire des sorties avec nous, mais qui n’ont pas toujours encore eu l’expérience d’aller en haute altitude passer la nuit en refuge. On les mélange avec des jeunes qui viennent d’en bas, de la côte, d'endroits plus touristiques, et qui eux ne connaissent pas du tout la montagne. On travaille aussi beaucoup avec des centres sociaux et des personnes en situation de demande d’asile, qui connaissent pas vraiment la montagne ni la nature, et qui sont mélangées à cette dynamique pour vivre une expérience.
Quel est ton souvenir le plus marquant ?
Il n'y a pas de point négatif, parce que même dans les moments un peu délicat où il fait très chaud, où on peut se retrouver dans le brouillard et prendre un orage sur un col ou bien lorsqu’un enfant ne veut plus avancer... à la fin, cela fait partie de l'expérience et des souvenirs. En 2021 c’était vraiment un beau séjour où on a fait un portage avec les ânes. Les enfants se sont baignés dans un lac gelé, nous avons rencontré un pêcheur au bord d’un lac qui a montré aux enfants comment pêcher la truite et qui leur a fait tenir la canne à pêche. C’était des moments très chouettes.

"C’est toujours génial d’être là avec les jeunes !"
Des points à améliorer selon toi dans l’opération 1001 Nuits Alpines ?
Ça serait intéressant de faire des échanges. Cette année, j’ai monté le séjour avec des jeunes du groupe de 2021 qui étaient motivés pour monter un nouveau séjour. Nous avons ensuite ouvert le séjour à de nouveaux jeunes. C’était chouette de construire le séjour de cette façon. L’idée pourrait être, dans la mesure du possible, de proposer des échanges aux jeunes ayant déjà participé à 1001 Nuits Alpines afin qu’ils puissent partir en séjour ailleurs l’année suivante. Ce serait très intéressant d’accueillir à notre tour des jeunes d’une autre région. Ce serait sûrement plus compliqué sur le plan logistique, car déjà rien qu’en montant un projet sur notre territoire les déplacements sont assez compliqués.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans le montage de tes projets ?
Le plus compliqué dans chaque projet, c’est de trouver les financements et de gérer la logistique. D’habitude c’est assez simple, parce que nous allons dans notre vallée et nous arrivons à nous organiser avec les parents qui les accompagnent, puis repartent. Cette année nous partons simplement dans la vallée d’à côté, mais ça fait déjà 4 heures de route. C’est plus compliqué, je n’ai pas pu trouver de parents pour nous accompagner au point de départ. J’ai fini par réussir à emprunter un minibus à la mairie il faut trouver les financements pour rémunérer le chauffeur.

"Une fois qu'on n'est plus qu’avec les chaussures aux pieds, le sac sur le dos, c’est que du bonheur !"
Qu’est-ce que tu dirais à un.e porteur.euse de projet qui hésite à se lancer ?
Ça dépendrait de la raison de son hésitation : emmener les jeunes en montagne, ce n’est pas un problème : On part toujours avec un.e accompagnateur.rice en montagne, dont c’est le métier d’emmener les enfants en montagne et de gérer la logistique. L’unité du groupe lors de la sélection des jeunes est toutefois un point de vigilance à avoir en tête. Nous essayons d’être vigilant.e.s par rapport à ça dans les inscriptions, pour qu'il n’y en ait pas qui se retrouvent complètement isolé.e.s : un.e participant.e qui soit ni trop jeune et qui sorte du lot par rapport à des plus vieux.eilles, ni trop un plus vieux.eilles qui soit tout.e seul.e. On essaie aussi de cibler le niveau de marche, afin qu’il y ait deux sous groupes maximums. On cherche à éviter qu’il y ait un.e participant.e qui soit vraiment débutant.e et tous les autres bon.ne.s marcheur.se.s, pour ne pas avoir de groupe déséquilibré.
Le plus difficile pour moi, c’est vraiment l’avant-projet et son montage. Il faut communiquer pour trouver les jeunes, si l’on a pas de groupe déjà constitué, et trouver les financements. Après, une fois qu’on est en montagne, de toute manière… La montagne fait ellemême un séjour. Bien sûr, il y a toujours une partie d'animation et de pédagogie à ajouter, mais ça se fait naturellement.

"La montagne fait elle-même un séjour."
Le matériel, c’est aussi une des problématiques clés des projets pour les jeunes avec lesquels on travaille : les jeunes de la vallée, eux, ont en général leur matériel ; mais pour les jeunes des centres sociaux c’est un peu plus compliqué. Je leur donne la liste de matériel un mois en avance, pour qu’ils aient le temps de se retourner et de me dire s’ils n’ont pas les moyens de pouvoir l'acheter. J’essaie alors, dans la mesure du possible, de leur faire prêter où de leur prêter moi-même un sac, un duvet… sauf les chaussures de randonnée, où là c’est plus compliqué. C’est aussi très important de dire aux jeunes de ne pas constituer leur sac la veille du départ. Quand je prête un sac, j’essaie de leur passer une semaine en avance afin qu'ils puissent l'essayer. Il faut vraiment qu’ils aient un sac adapté et confortable, ni trop gros ni trop petit, d’emporter le minimum d’affaires et qu’elles rentrent toutes dedans.
L’autre élément important, c’est la paire de chaussures à essayer avant. Une paire de chaussures neuves donne toujours des cloques, et une paire de chaussures trop vieilles la semelle peut se décoller et on va devoir la recoller au scotch… C’est un cas de figure que l’on a toujours eu en séjour, mais autant essayer que ça n’arrive qu’à une seule personne et pas à la moitié du groupe.
Entretien réalisé par Educ'alpes (juin 2022)
À propos de la structure
Curieux de Nature est une association à Tende (06) qui a pour but de faire découvrir la nature de la vallée de la Roya et de proposer une éducation à l'environnement et au patrimoine ; elle favorise le tissage d'un lien social et l'épanouissement de chacun.e dans une position active, responsable et de plaisir. L'association a participé à 2 éditions de l'opération 1001 Nuits Alpines.
Le témoignage en version PDF :
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Violette Thévenin
Témoignage
Quand bivouac rime avec inclusion
Rencontre avec Violette Thévenin, éducatrice sportive en Activité Physique Adaptée dans l'association Big Bang ballers
Pour vous, qu’est-ce que l’opération 1001 Nuits Alpines ?
Pour moi, c’est un cadre pour monter des projets autour du bivouac et de la randonnée auprès des publics qui en sont éloignés, et qui n'ont pas la chance d'avoir accès à ça dans leur quotidien.
Qu'est-ce qu'a apporté l'opération à votre projet ?
Elle nous a permis d'être mis en relation avec des guides de montagne et des intervenant.e.s -et de pouvoir partir bien encadrés- mais aussi d’avoir du matériel de montagne pour les jeunes.
"L’opération nous a donné les bons outils et permis de partir en séjour."
Qu'est-ce que l’opération vous apporte personnellement ?
1001 Nuits Alpines nous fait changer de cadre, d’univers, de lieu, pour se retrouve dans un milieu plus naturel et intimiste. Ça nous permet de discuter un peu plus de la vie des uns des autres, d’échanger sur des petites choses du quotidien qu’on n’a pas l’habitude d’évoquer habituellement. D’habitude, on fait plutôt des activités sportives et on prend moins le temps de se poser, de discuter, alors que là c'était des moments très chaleureux, conviviaux. On partageait les petites aventures, les petites galères, ce qui rassemble plus facilement. Le fait de dormir ensemble, se réveiller le matin dans les tentes, ça nous a rapproché !

Je pense que ça leur a appris à moins avoir peur du milieu naturel, de la montagne et de la forêt. Quand on y est jamais allés, on a parfois des a priori et on a peur d’y dormir. C'était un challenge, un défi de dormir dans la forêt : pour eux c'était inconcevable, ils ne savaient presque pas que c'était possible et ça les a bien sorti de leur zone de confort ! Pour les participant.e.s qui étaient un plus plus âgé.e.s, ça leur a permis de découvrir cet univers, de sortir de leur foyer et d'être dans un cadre un peu magique, crapahuter, dormir sous tente et à apprendre à se débrouiller dans la nature, à faire un feu, ce qu’on a pas l’habitude de faire normalement…
"être dans un cadre magique, à crapahuter, dormir sous tente et apprendre à se débrouiller dans la nature..."
Qu’est-ce que que 1001 Nuits Alpines vous permet d'aborder avec les jeunes ?
Le cadre du séjour nous a permis d'avoir des discussions un peu plus profondes sur comment ça se passe pour chacun d'entre eux à la maison, à l’école, au travail, et d'en apprendre plus sur leur parcours. On a fait des petits jeux où chacun devait raconter une anecdote sur le foyer, et ils pouvaient raconter quelque chose et on devait savoir ce qui était vrai de ce qui était faux. C’était chouette et on a appris plein de choses sur chacun d’entre nous.

"Ça les a fait sortir de leur zone de confort, de se retrouver face à la réalité de la nature, à ce qui est important ou pas"
Quel est votre souvenir le plus marquant de cette sortie ?
Le moment le plus marquant, c’était l’installation du bivouac, du moment où on a trouvé le petit endroit où passer la nuit à celui où on a fait à manger. Il s'est alors mis en place une belle dynamique collective. On s'est approprié ce petit endroit, on est allés chercher des troncs d’arbre pour faire des sièges autour du feu et les enfants se sont installés dans leurs tentes. Ils ont découvert le fait d’aller dans la forêt pour faire pipi, pour se changer, pour faire sa toilette...
Est-ce que vous trouvez qu’il y a des choses qui ont manqués, des points à améliorer ?
C’était très chouette en terme d’organisation, c’était très fluide, vraiment aucun problème.On a eu des difficultés au niveau du matériel individuel. Le matériel de bivouac (duvets, matelas, sacs à viande, tentes) a été fourni par l'accompagnateur de l'association Alpes-là ! mais les jeunes avaient de mauvaises chaussures et d'énormes vestes qu’il fallait porter la journée. De notre côté on ne s’y attendait pas, on pensait qu’ils avaient au moins une paire de baskets, mais non. Il n’avaient pas de bons vêtements adaptés, légers, pratiques et chauds. Le manque de matériel individuel adapté a donc été le principal point noir.
Et en quoi selon vous l’opération peut répondre à ces difficultés ?
Dans le cadre de 1001 Nuits Alpines, il pourrait y avoir de la mise en relation des gens qui peuvent faire des dons, peut-être demander à Emmaus, à des friperies et pouvoir prêter des affaires pour ce genre d’occasion… il y a tellement de gaspillage de vêtements que c’est sûr qu’il y a quelque chose à faire !

"C'est une occasion en or ! Ce n'est pas tous les jours qu'on peut nous aider à ce point-là à faire des projets !"
Pour finir, qu’est-ce que vous diriez à un futur porteur de projet qui hésite à se lancer ?
Que c’est une occasion en or ! Ce n’est pas tous les jours qu’on peut nous aider à ce point-là pour faire des projets, donc la question ne se pose même pas ! Si on en a envie et qu’on a l’opportunité et des personnes motivées pour le faire il faut saisir cette occasion !
Entretien réalisé par Educ'alpes (mai 2022)
À propos de la structure
Big Bang Ballers est une association d'éducation par le sport pour tous.tes à Grenoble (38) L'association a une vocation d'inclusion sociale à travers la pratique sportive et a participé à 2 éditions de l'opération 1001 Nuits Alpines en emmenant des jeunes réfugié.e.s et exilé.e.s randonner et bivouaquer dans le Vercors.
Le témoignage en version PDF :
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